Conversation de marque: est-ce bien nécessaire ?

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Une « conversation de marque » à la suite d’un post sponsorisé

Le thème de la conversation revient comme un mantra dans la sphère du marketing: il faut entrer en conversation, on n’est plus dans un monologue mais dans un dialogue, une relation d’égal à égal entre marques et consommateurs. Autant de poncifs qui ne résistent pas à l’analyse (*).

Si des interactions existent bel et bien entre marques et internautes, les objectifs de la conversation de marque sont rarement évoqués. J’ai demandé un jour à un responsable d’agence comment il mesurait l’efficacité de la conversation. Réponse :

« Tout le monde me demande le ROI de la conversation. Mais ça n’existe pas le ROI de la conversation ! « 

Ce à quoi on pourrait rétorquer :

« A quoi bon ? »

De mon point de vue, la conversation de marque est une technique marketing comme une autre, qui permet de répondre à certains objectifs, comme renforcer l’image de marque, développer la notoriété, améliorer l’expérience de consommation ou encore faire du crowdsourcing.

On parle ici d’une conversation de marque « réussie ». Mais que se passe t-il quand la conversation dérape ou simplement qu’elle est décevante ? Quel est l’impact sur la marque ?

Répondre à ces questions nécessiterait une étude plus approfondie. Je me limiterai ici à passer en revue 3 situations dans lesquelles il est difficile d’établir un dialogue « constructif » avec les internautes.

Souriez, vous êtes trollés !

Personnage bien connu des espaces participatifs en ligne, le troll commente les posts en détournant le sujet ou en répondant « de façon non appropriée  » du point de vue de la marque.

Cette situation peut intervenir quel que soit le message initial. Sur n’importe quel sujet, il y aura toujours un troll pour vous répondre !

  • Solution 1 : Ne pas répondre. Le commentaire a généralement peu de visibilité, y répondre ne lui donnera que plus d’écho;
  • Solution 2 : Passer vous aussi en mode troll : répondre à tout, avec une bonne dose d’humour, voire d’autodérision (**). Pas toujours simple à exécuter…

La « mauvaise » conversation

Quid des commentaires peu qualitatifs : orthographe, vocabulaire, arguments ? Les marketeurs ont souvent une haute opinion de leur marque et peuvent avoir du mal à répondre à des commentaires jugés médiocres.

  • Solution 1: Répondre l’air de rien. Vous n’êtes pas là pour corriger une dictée ;
  • Solution 2: Ne pas répondre si vous considérez que ce n’est pas au niveau de la ligne éditoriale de votre marque.

Le bâton pour se faire battre

Facebook ne cesse d’innover en matière publicitaire. On peut « pousser » un post au delà du cercle des abonnés à la page, simplement en lui allouant un budget. Mais gare aux conséquences : on gagne en visibilité ce que l’on perd en pertinence.

En effet, un message s’affiche au beau milieu des actualités des amis de tout un tas d’inconnus. Ces derniers n’ont jamais émis le moindre souhait de voir vos posts et encore moins de nouer une conversation avec votre marque. S’ils n’adhèrent pas au message, le feedback peut être violent.

Les commentaires-type de ces publicités sont :

« On s’en fout »

ou encore

« Dégage de mon mur ! »

Une conversation disions-nous ?

  • Solution : Utiliser les posts sponsorisés avec beaucoup de précautions.!

Si vous avez échappé aux trolls, que les commentaires sont de qualité et que vous échangez avec de « vrais » fans, une conversation peut effectivement s’établir.

Mais ces conditions sont rarement réunies, notamment sur Facebook. De même que la conversation des salons mondains du 18ème siècle comprenait un nombre réduit de participants cooptés, la conversation de marque pourrait bien ne s’épanouir que dans des espaces plus privatifs. Elle peut alors révéler ses vraies vertus, au lieu de donner lieu à un babillage stérile conditionné par la mode du tout-participatif.

 

Andria Andriuzzi

 

(*) Voir : Karine Berthelot-Guiet, Caroline De Montety, Maxime Drouet, Valérie Patrin-Leclère et al. (2011) : Dossier: « La communication revisitée par la conversation », Communication & Langages.

(**) Concept de « Defensive Trolling » développé par Alexandre Kane (2012) « Processus de fusion entre business schools : comment utiliser les réseaux sociaux pour réunir les communautés. Risques et opportunités », Conférence Réseaux Sociaux: Les tendances 2012, EducPros.

« On ne dit pas… » : une opération de brand content exemplaire… et non préméditée !

J’ai trouvé hier un exemple intéressant de brand content / communication par les contenus : le lancement du site “Dans le web on ne dit pas”, créé par le web designer Jeremy Thomas aka @bbx . Le principe est simple, cette capture d’écran en résume le concept :



Bbx explique
sur son blog avoir posté les 15 premières phrases, le reste étant alimenté par les utilisateurs après modération. Sur les deux premiers jours, les résultats sont les suivants:

– plus de 500 phrases proposées*
– environ 9.000 visites du site par jour*
– près de 900 retweets et 2.700 likes depuis le site (selon les résultats des compteurs installés sur le site)

– près de 600 utilisations du hashtag #ondp (selon les stats de http://www.tweetvolume.com, mais à mon avis il y a eu bien plus de tweets, voir mon PS ci-dessous)

C’est ce qu’on peut appeler un succès !

Lancé via un simple tweet, le buzz a immédiatement pris sur Twitter dont, comme le rappelle cet article les principaux utilisateurs en France sont des geeks, des marketers, des blogueurs et des jounalistes. Le côté “private joke” du concept fonctionne ainsi particulièrement bien sur ce média.

Bien qu’elle n’ait pas été initiée comme une opération de communication mais “pour le fun” *,  la démarche est un cas exemplaire de communication par les contenus !
 
– en proposant un contenu original et divertissant, son concepteur suscite l’attention des internautes
– l’intérêt est décuplé par la possibilité offerte aux internautes d’alimenter le site
– je pense ne pas avoir été le seul à chercher à savoir qui était l’auteur du site: l’opération valorise des compétences par un moyen plus amusant et intéressant qu’un portfolio. Cliqueriez-vous sur le lien d’un tweet du genre “besoin d’un site web ? mes plus belles réalisations sur http/…”. ? Dans tous les cas, pas le moindre aspect viral à espérer d’un tel message.

Là par contre, si j’ai besoin d’un web designer, je penserai à lui !

Paradoxalement, le côté non prémédité de l’opération met en exergue le fait qu’en matière de communication sur les médias sociaux, la qualité du contenu est primordiale. Il est nécessaire de penser d’abord à l’intérêt que peut présenter le contenu proposé pour sa cible avant de chercher à mettre en avant la marque. Ici on a une bonne idée créative + une réalisation simple et efficace + un mécanisme participatif + l’utilisation d’un média adapté à la cible: le train du buzz se met marche…

PS : En rédigeant cet article, j’ai cherché des outils permettant de compter les nombres de tweets, retweets et de likes sur un sujet donné mais n’ai pas trouvé pas grand chose de vraiment concluant. Si vous avez des idées je suis preneur..

(* = source : bbx)