Les athlètes sont-ils toujours des modèles désirables ?

De nombreuses marques font appel à des athlètes pour susciter l’intérêt des consommateurs. Les athlètes bénéficient d’une forte notoriété et sont porteurs de valeurs positives. Ils représentent la réussite et l’excellence. Mais est-ce toujours une bonne idée de représenter, dans les publicités, un consommateur-type sous les traits d’un membre d’un groupe social « supérieur » ?

Pour Claudiu Dimofte, professeur associé à l’Université de San Diego, et deux de ses collègues, les effets de ces publicités « inspirationnelles », ne sont pas toujours positifs. En effet, quand les consommateurs voient une publicité qui montre un groupe social désirable, comme celui des sportifs de haut niveau, la comparaison entre ce groupe social et le leur peut être ressentie comme défavorable. Cette comparaison défavorable peut porter atteinte à « l’estime de soi collective », c’est-à-dire le sentiment positif d’appartenance à un groupe, surtout quand le groupe « désirable » mis en avant dans la publicité n’est pas cohérent avec l’idée que les consommateurs se font de l’utilisateur-type.

En revanche, si la publicité permet au consommateurs de se projeter dans le groupe désirable, la comparaison sociale défavorable est atténuée et n’aura pas négatif sur l’attitude envers le produit. C’est aussi le cas quand le consommateur est très attaché à son groupe social ou quand une facette de l’identité du groupe d’appartenance du consommateur est valorisée ou rendue compatible avec le groupe désirable. Les marketeurs doivent donc vérifier que certains des traits de personnalité ou valeurs de leur égérie sont compatibles avec ceux des consommateurs.

Référence : Dimofte CV, Goodstein RC and Brumbaugh AM (2015) A social identity perspective on aspirational advertising: Implicit threats to collective self-esteem and strategies to overcome them. Journal of Consumer Psychology 25(3). Elsevier Inc.: 416–430.

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Quel mode narratif pour obtenir plus de « likes » ?

La recherche en marketing s’est saisie d’une question existentielle : comment obtenir plus de « likes » ? Plus particulièrement, à quelle personne les messages doivent-ils être rédigés ?

Ces questions sont importantes pour les marques car les « likes » de leurs posts sur les médias sociaux en améliorent la visibilité et leur offrent une caution sociale. En étudiant les réactions aux « WeChat Moments » – des posts sponsorisés par les marques sur le média social chinois WeChat – quatre chercheurs de l’université Huazhong de Wuhan montrent que cela dépend de l’image de la marque.

Ainsi, une marque « chaleureuse », comme par exemple Ikea, devrait rédiger ses messages à la première personne, en se mettant à la place du consommateur-cible (ex. : « Soyons plus proches ! », comme dans l’exemple fictif ci-dessus, utilisé par les chercheurs pour une de leurs études).  En revanche, une marque « compétente », comme par exemple Apple, devrait plutôt parler à la troisième personne des personnages présents ou suggérés par la publicité (ex. : « le MacBook Pro met en valeur son intelligence »).

Ces résultats sont dus au fait que, dans un cas, la narration à la première personne améliore le sentiment d’appartenance des internautes, plus cohérent avec une image chaleureuse, tandis qu’un récit désignant un groupe de personnes résonne avec un désir d’épanouissement personnel plus en phase avec une image de compétence.  Attention cependant, les chercheurs indiquent une limite à leurs résultats : les mécanismes ainsi décrits ne fonctionnent que chez les internautes qui font attention à l’image qu’ils renvoient sur les médias sociaux – souvent les consommateurs les plus actifs en ligne, qu’il convient donc cibler en priorité. A vos posts… Prêts ? Postez !

Référence : Chang, Y., Li, Y., Yan, J., & Kumar, V. (2019). Getting more likes: the impact of narrative person and brand image on customer–brand interactions. Journal of the Academy of Marketing Science, 47(6), 1027-1045 https://doi.org/10.1007/s11747-019-00632-2

Les chatbots au secours de la publicité en ligne

Bien que le marché de la publicité en ligne continue de se développer, une étude alerte les annonceurs sur la montée en puissance des adblockers. Parmi les solutions proposées : le commerce conversationnel. Mais les internautes ont-ils réellement envie de discuter pour acheter ? Moins intrusifs et plus efficaces que les humains, les chatbots pourraient constituer des compagnons efficaces au display.

Aujourd’hui, les logiciels limitant l’affichage des publicités en ligne, ou adblockers, touchent 17 % des visites en France [1]. Les plus jeunes internautes utilisent massivement ces services, jugeant la publicité trop intrusive. Cette situation pourrait devenir problématique pour les annonceurs, qui continuent à investir massivement dans la publicité en ligne : le secteur a vu son chiffre d’affaires augmenter de 3,1% en 2015 et talonne celui de la télévision [2].

Deux remèdes émergent dans le discours des professionnels : le brand content et la conversation

Le brand content est supposé susciter l’intérêt des consommateurs et permettre de véhiculer les valeurs des marques de façon moins intrusive que ne le fait la publicité traditionnelle. Son succès auprès des marketeurs est attesté par sa place croissante dans les budgets : les dépenses liées au brand content pourraient doubler d’ici quatre ans, pour atteindre 2,1 md en 2020 en Europe. Quant au native advertising, il pourrait devenir le “format dominant” [3].

Face à la méfiance des internautes vis à vis de la publicité, une autre solution proposée consiste à réorienter les stratégies publicitaires vers une “logique conversationnelle”. En effet, cette démarche se veut moins intrusive et plus adaptée aux attentes des internautes que les formats displays [4]. Mais de quelle conversation parle-t-on ? Lors de la 15ème Journée de recherche sur le marketing digital, le professeur Olivier Badot a qualifié de “hashtag commerce” le flux d’offres promotionnelles interactives diffusées sur smartphones par les marques. Ciblant les consommateurs selon leur activité et leur localisation, ces pratiques sont particulièrement développées en Chine. En France, des dispositifs conversationnels voient le jour en accompagnement de publicités, par exemple lors de la Foire du Vin de Carrefour où un format display attirait l’internaute vers une fenêtre de chat pour échanger avec un expert.

illustration_chatbot1Publicité Carrefour en display sur le site Be.com, consultée le 03/10/2016 

Des robots préférés aux humains

Mais a-t-on toujours envie de parler avec un vendeur ? C’est là que le bât blesse. La défiance des consommateurs envers les marques ne milite en fait pas toujours pour le développement de la conversation humaine. Par exemple, une recherche a montré que la personnification ne fait que renforcer le sentiment négatif des consommateurs déjà méfiants envers les marques [5]. De plus, une présence humaine tend à intimider les consommateurs, notamment les plus jeunes. Ces derniers préfèrent échanger avec un agent virtuel qui leur procure un plus grand sentiment de contrôle [6]. En fait, l’être humain en interaction est intrusif par nature : engager la conversation avec quelqu’un fait que l’on empiète inévitablement sur son territoire [7]. Ainsi, si l’association de dispositifs conversationnels à des publicités se développe, la question de l’utilisation d’un être humain ou d’un programme informatique peut se poser.

Des robots plus efficaces que les humains

Moins intrusifs, les robots pourraient être aussi plus efficaces. Selon Le Parisien, 90% des demandes clients peuvent être traitées par des agents conversationnels virtuels, ou chatbots [4]. De plus, les renseignements donnés par les humains ne sont pas toujours les meilleurs. Par exemple, moins d’un appel sur cinq à la Caisse d’allocation familiales reçoit une information précise et plus d’un tiers des internautes appelant Pôle Emploi sont renvoyés vers le site internet. Pour peu que l’on ait un accent étranger, on serait encore moins bien loti, selon une étude du Défenseur des droits et de l’Institut national de la consommation [8]. Mais la présence d’humains pourrait surtout limiter une utilisation à grande échelle des dispositifs publicitaires conversationnels.

Vers des chatbots publicitaires

Jusqu’à présent, les agents conversationnels étaient disponibles essentiellement sur des sites marchands. Cette pratique, devenue un temps désuète avec l’avènement des médias sociaux, semble connaître un regain d’intérêt en bénéficiant du développement de l’intelligence artificielle et des effets de l’expérience. Par exemple, la SNCF vient de débaptiser son agent virtuel Léa pour lui préférer une fenêtre de chat anonyme. Aujourd’hui, la présence de tels agents se développe également au sein des messageries instantanées comme l’application Messenger de Facebook ou des DM (Direct Messages) de Twitter.

illustration_chatbot2
Représentation de l’agent virtuel de voyages-sncf.com (avant et après 2016?) [visuel de gauche : crédit noven.fr, accès le 28/09/2016. visuel de droite crédit voyages.sncf.com, accès le 26/12/2016]

Les entreprises ont intégré depuis plusieurs années un traitement automatisé de la relation client. Mais les chatbots sont maintenant appelés à voyager au-delà de leurs sites web et des applications. Imaginons un “lâcher de robots” à grand échelle, comme par exemple l’association d’une fenêtre de chat à une bannière ou à une annonce Adwords. Que se passe-il quand chaque personne touchée par une publicité en ligne est invitée à échanger avec un chatbot ? Est-ce intrusif et mal perçu ? Ou au contraire, cela peut-il créer un effet de surprise aux conséquences positives [9] ?  Ces questions restent encore à explorer mais l’irruption des chatbots dans le domaine du marketing et de la publicité continue à apporter son lot de surprises.

En résumé, à mi-chemin entre un“vieux” modèle publicitaire intrusif et un “nouveau” modèle interactif, nous voyons se développer un modèle hybride alliant puissance du display, proximité de la conversation et efficacité des robots. Si vous avez des exemples de tels dispositifs, ou des remarques, je serais heureux de les connaître.

Références 

[1] Dumoulin, S. (2016) Les “adblockers” privent les marques de leurs meilleurs prospects, Les Echos, 27 septembre
[2] Richebois, V. (2016) Le marché publicitaire renoue avec la croissance, Les Echos, 27 septembre
[3] Alcaraz, M., Madelaine, N., et Richebois, V. (2016) Pourquoi le “brand content” explose dans les médias, Les Echos, 22 septembre, p.24
[4] Renou, A. (2016) Les robots vous parlent, Le Parisien, 27 septembre
[5] Eskine, K. J. & Locander, W. H. (2014). A name you can trust? Personification effects are influenced by beliefs about company values, Psychology & Marketing, 31(1), 48-53.
[6] Clarkson, 2010 et Graeber & Dolan, 2007, cités par Köhler et al. 2011 :
Köhler, C. F., Rohm, A. J., de Ruyter, K. & Wetzels, M. (2011). Return on interactivity: The impact of online agents on newcomer adjustment, Journal of Marketing, 75(2), 93-108.
[7] Goffman, E. (1973) Les Relations en public. La Mise en scène de la vie quotidienne 2, Traduit de l’anglais par Alain Kihm, Collection Le sens commun, Les Editions de Minuit, Paris.
[8] Plichon, O. (2016) A l’autre bout du fil, les humain ne font pas beaucoup mieux, Le Parisien, 27 septembre
[9] Schamari, J., & Schaefers, T. (2015). Leaving the Home Turf: How Brands Can Use Webcare on Consumer-generated Platforms to Increase Positive Consumer Engagement, Journal of Interactive Marketing, 30, 20–33

Old Spice Guy, the perfect (social media) mix ?

Comme beaucoup d’entre vous sans doute, j’ai été impressionné par la récente campagne Old Spice sur les médias sociaux, qui devrait devenir un cas d’école. Cela a été largement commenté mais je ne résiste pas à l’envie de le partager ici !

Tout a commencé en février dernier quand la marque a diffusé un spot mettant en scène l’acteur et ancien joueur de football américain Isaiah Mustafa, créant ainsi le personnage du « Old Spice Guy ». Original et amusant, le spot a reçu le Grand Prix au festival de la publicité Cannes Lions 2010. Fin juin, la marque remet ça en diffusant de nouveaux spots dans la même veine, dont celui-ci, encore plus réussi à mon goût :


Mais le 13 juillet, Old Spice a lancé une campagne d’une ampleur sans précédent sur les médias sociaux – à ma connaissance. En voici le principe :
 
Dans un studio de Portland, l’agence
Wieden + Kennedy, déjà à l’origine des premiers spots, a mis en place une cellule « commando » réunissant experts des médias sociaux, créatifs, techniciens et producteurs, ainsi que l’acteur reprenant son rôle d’Old Spice Guy.

1. Après avoir incité les internautes à poser des questions à Old Spice Guy sur plusieurs médias (Twitter, Facebook, etc..), une équipe recueillait les messages et sélectionnait les plus amusants ou originaux, émanant du grand public comme de célébrités.

2.  Les créatifs rédigeaient des textes de réponse et une équipe de production tournait immédiatement des vidéos mettant en scène Old Spice Guy qui s’adressait individuellement aux auteurs des commentaires sélectionnés.

3. Les vidéo-réponses étaient postées aussitôt sur YouToube et les destinataires étaient prévenus individuellement.

Et ainsi de suite… pendant 48 heures !

En voici une :

Grace à un humour décalé, au charisme de l’acteur, aux trouvailles des créatifs et au principe inédit de la campagne, ces vidéos ont rencontré un énorme succès. L’équipe a ainsi diffusé 185 spots, un dialogue par messages / vidéos interposés s’est même instauré avec certains internautes, notamment avec l’actrice Alyssa Milano.

A ce jour, le compte Old Spice sur YouToube affiche près de 100 millions de vues !

Cette campagne révolutionne le type de prise de parole des marques. Old Spice s’adresse individuellement aux internautes, par l’intermédiaire d’un personnage de fiction. Il y a une vraie interaction, en temps réel. Plusieurs ingrédients font de cette campagne un exemple parfait de l’utilisation des médias sociaux par une marque :

Le mode de la conversation, en vigueur sur les médias sociaux, est ici littéralement mis en œuvre : écoute, réponse – et poursuite des échanges dans certains cas.

Le temps réel : une conversation implique des réponses rapides, sans quoi le dialogue est rompu. Les vidéos étaient tournées et diffusées dans des délais très courts, permettant une poursuite de l’interaction.

La production de contenus de marque : la marque ici devient producteur d’un type de contenu inédit, mélangeant fiction et réalité, publicité et … autre chose.

La viralité : les destinataires des messages, surpris et enthousiastes des réponses qui leur étaient faîtes, se sont empressés de rediffuser les vidéos à leur communauté. De plus, les blogs et articles de presse relaient et amplifient le phénomène (comme ici !).

Les marques vont surement s’inspirer de ce cas pour développer des modèles relationnels originaux avec le public. Mais comment faire à la fois différent et aussi réussi?

Selon vous, Old Spice Guy va-t- il devenir un personnage récurrent ou s’agit-il d’un one-shot ?

Note : L’article où j’ai découvert ce cas et dont j’ai tiré des informations pour ce billet  est ici : http://www.readwriteweb.com/archives/how_old_spice_won_the_internet.php

Quel rôle pour les agences dans la production de contenus de marques ?

J’ai lu un jour dans ma « timeline » un tweet de Gennefer Snowfield :

Les idées de @Gennefer sont souvent intéressantes, et ce tweet m’inspira quelques réflexions que je souhaite développer ici. Reprenons dans un premier temps cette « prédiction » (traduction libre):

« Nous allons voir davantage de marques mandater directement des auteurs / des producteurs pour qu’ils créent des contenus originaux, plutôt que de faire appel à leurs agences de publicité »

Cette hypothèse s’inscrit dans le contexte du développement du branded content, qui voit les marques communiquer auprès de leurs cibles en diffusant des contenus éditoriaux originaux. Ces contenus ne sont pas des publicités au sens classique du terme : ils ne vantent pas les mérites du produit – même si celui-ci peut y être placé – et ne parlent pas directement de la marque, celle-ci se posant plutôt en tant que producteur et/ou de média. S’il ne s’agit pas de publicité, on peut légitimement se demander si le rôle de l’agence reste pertinent.

Une marque peut en effet définir un cahier des charges précisant le type de contenu (musique, vidéo, événement, etc…), le format (1 minute, une salle de 20.000 places, 500 signes, etc..) et contacter un auteur ou un producteur. Mais il est nécessaire de prendre en compte l’affinité de la cible et des valeurs de la marque  avec le contenu, en les intégrant au brief et éventuellement en les contrôlant après la production (pré-test) et après la diffusion (post-test).

Indépendamment de sa valeur artistique, un contenu peut être inintéressant pour la cible et ne pas « buzzer » – alors que c’est souvent l’un des buts recherchés, notamment via internet – ou encore peut-il véhiculer des valeurs antinomiques avec celles de la marque.  Par ailleurs, la marque doit aussi s’assurer de sa capacité à diffuser le contenu.

Une opération de branded content doit donc intégrer une réflexion stratégique sur les types de contenus souhaités et leurs modes de diffusion. Notons que les agences ont généralement ces problématiques en tête et ont l’habitude de travailler avec des intervenants qui y sont sensibilisés (réalisateurs, photographes, musiciens, etc…).

Récapitulons les principales étapes de la conception et la mise en œuvre d’une opération de brand content :

–          Prise de brief et recommandations
–          Recherche d’intervenants et suivi de production
–          Pré-tests
–          Diffusion du contenu, recherche de partenariats
–          Post-tests, analyse d’audience

Pour reprendre la réflexion de @Gennefer, la marque peut s’adresser directement à un auteur ou à un producteur, mais elle devra s’assurer qu’elle possède les ressources internes pour suivre ces différents aspects.

Passons maintenant  en revue les tâches « traditionnelles » qui ne sont pas directement prises en charge par l’agence dans la production de contenus de marque :

–          Création, copy (cette partie est confiée directement à un auteur)
–        
Media-planning (tout du moins l’achat d’espace « classique », la diffusion du contenu devant emprunter d’autres voies : soit celles habituellement utilisées lors de la diffusion de formats du même type, soit des modes de diffusion alternatifs).


Ainsi, si elles sont légitimes dans la production de contenus de marque, notamment en matière de réflexion stratégique, de suivi de production et de contrôle, les agences doivent adapter leur organisation aux spécificités du brand content.

Qu’en pensez-vous ?

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