Quels leviers pour légitimer la responsabilité sociétale des marques ?

On connait l’importance croissante du thème de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) , mais peut-on parler d’une responsabilité sociétale des marques (RSM) ? En tant que lien entre les entreprises et les consommateurs, la marque semble pouvoir endosser un tel rôle.

Camille Cornudet, doctorante à la Chaire Marques & Valeurs de l’IAE de Paris, a présenté les premiers résultats de ses recherches sur la RSM lors d’un séminaire de recherche Prism/Gregor.

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Visuel « H&M Conscious Collection » (source: goodhousekeeping.com)

La responsabilité est jugée à l’aune de règles juridiques, mais surtout à l’aune du marché. La marque a une légitimité à se poser entre ces deux pôles. De plus, elle peut y trouver l’occasion de répondre à de nouvelles attentes des consommateurs (ex. préoccupation écologiques).

Malgré cela, le concept de responsabilité sociétale de la marque reste à l’heure actuelle assez flou. Les recherches précédentes ont identifié trois effets des actions de responsabilité sociétale : sur l’attitude et comportement des consommateurs, sur leur confiance et leur fidélité, et sur la performance de la marque. La responsabilité sociétale a donc potentiellement un effet positif pour les consommateurs et pour les marques.

Cependant, comme Camille Cornudet le précise, « ce n’est pas parce qu’on le déclare qu’on est perçu comme socialement responsable par les consommateurs ». Comment la marque peut donc être perçue comme légitime en termes de responsabilité sociétale ? Selon de précédents travaux, il existe quatre leviers pour favoriser la légitimé  : les croyances, la personnalité, les pratiques et la structure de l’organisation. Cela peut conduire à trois types de légitimité : pragmatique, morale ou cognitive (Schuman 1995).

Ainsi, Camille Cornudet pose trois questions de recherche : à quels leviers les marques peuvent-elles faire appel pour être perçues comme responsables, quel type de légitimité adopter et quelle influence cela va créer ?

La première étude qu’elle a menée vise à étudier les différents leviers possibles, en se basant sur une étude documentaire concernant des marques BtoC et sur une série d’entretiens avec des praticiens. Les premiers résultats permettent d’identifier trois pratiques comme leviers de légitimité : les pratiques commerciales (ex. : filière responsable, commerce équitable), les produits (ex : labellisation) et la philanthropie (ex.: mécénat). De plus, les résultats montrent que la légitimité se construit sur les valeurs et l’idéologie, ainsi que sur la personnalité de la marque. En conclusion, l’être et le faire sont des leviers de légitimité de la responsabilité sociétale de la marque.

 

Manager la marque autrement

Retour sur le séminaire de la Chaire Marques & Valeurs

Mes notes prises lors du séminaire international de la Chaire Marques & Valeur (de 2014 !) étaient restées dans un tiroir… Je les ressors aujourd’hui, les thèmes évoqués étant plus que jamais d’actualité. Les chercheurs de la Chaire ont présenté les principales idées du livre Le Management transversal de la marque, avant de dévoiler leurs premiers travaux sur le thème de la convivialité.

La marque au-delà du marketing

livre

Pour Géraldine Michel, la marque ne peut être cantonnée au service marketing mais doit être aussi l’affaire des autres fonctions de l’entreprise comme les ressources humaines, la finance et le droit.

Du point de vue des ressources humaines, il est important de faire comprendre les valeurs de la marque aux salariés car ce sont eux qui portent la marque. Comme le montre Fabienne Berger-Remy dans ses travaux, la marque donne du sens en interne : elle offre  aux collaborateurs une direction et des sensations. Par exemple, Toyota a développé une bonne compréhension des valeurs de la marque irriguant toute l’organisation.

Avec un rôle proche de celui de parents, les financiers ont un rôle important vis-à-vis des marques. Un paradoxe peu connu fait qu’une marque créée en interne ne peut être valorisée au bilan de l’entreprise, alors qu’une marque achetée peut l’être. Les financiers regardent alors la marque de très près ! Par ailleurs, les juristes ont un rôle de protection important. Ebay a par exemple été sommé par Louis Vuitton de garantir que les produits vendus sur son site étaient bien authentiques.

D’un point de vue stratégique, la marque est un guide pour l’action, précise Marie-Eve Laporte. Par exemple, chez Président, on considère que le chef de produit est le PDG de l’entreprise. Une bonne intégration de la marque facilite la gestation et le déploiement d’innovations. Repeto est un bon exemple de cette intégration, des hôtesses d’accueil jusqu’aux designers. La marque doit rencontrer ses consommateurs, complète Margaret Josion-Portail, et pour cela développer des relations fortes et sincères avec eux.

Une connaissance partagée dans toute l’entreprise des valeurs de la marque est primordiale – et encore mieux, une adhésion à ses valeurs. Ce phénomène se manifeste de façon visible chez les employés de Lacoste : chacun a un petit crocodile posé sur son bureau !

Manager la marque par les valeurs : l’exemple de la convivialité

Quand Géraldine Michel lui a parlé de « Conviviality », Sevgin Eroglu a d’abord été surprise car le terme est peu utilisé dans les pays anglo-saxons. « It’s « Queen English » », plaisanta Leslie de Chernatony pendant la conférence. Relatant les propos d’un manager, Sevgin Eroglu a rappelé le considérable avantage concurrentiel qu’ont les magasins traditionnels sur les distributeurs en ligne : ils ont un magasin, eux ! Les consommateurs visitent volontiers les lieux de vente à condition que l’expérience soit plaisante et qu’ils n’y perdent pas leur liberté. Le concept de convivialité, déployé par les distributeurs, permettrait alors de répondre aux attentes des consommateurs.

La convivialité a des applications dans le tourisme, les logiciels et sites web ou encore l’urbanisme. D’un point de vue marketing, comment le concept de convivialité est-il perçu par les consommateurs ? Certains endroits sont jugés conviviaux : les bars, les marchés et les coiffeurs par exemple. A l’inverse, les supermarchés et les stations services ne sont pas conviviaux car ces endroits limitent la liberté des individus. En effet, pour les deux chercheurs, une des dimensions essentielles de la convivialité réside dans les « uncommited interactions » : on peut avoir des discussions simples, légères. Les vendeurs portent une« attention bénévole » aux clients et leur laissent une grande liberté.

Pour les managers, la convivialité est une valeur dont la mise en œuvre a des effets sur les capacités d’innovation des marques. Elle est une source d’interaction favorisant une démarche de cocréation. Ce concept permet de revisiter les relations entre marques et consommateurs. Les interactions sont légères, éphémères, ouvertes. Un bon exemple : un café a créé une « carte d’infidélité » : le traditionnel Xème produit gratuit est offert à condition que le client ait été dans huit autres cafés entretemps !

 

Vous pouvez retrouver les vidéos du séminaire sur le site de la Chaire Marques & Valeurs.

How To Rock Higher Ed Branding with Social Media and Viral Marketing

For his new case study ‘Social Media and Viral Marketing at ESCP Europe, The World´s First Business School (est.1819)’ , Professor Andreas Kaplan (disclosure: also my boss at the time!) asked me for an interview, alongside other colleagues. It was a good opportunity to think about what my job actually was :). You can find much more information on running social media and viral marketing in Higher Education and in business schools by reading the whole case study. Being a lecturer in marketing from time to time, I also think that it would be a fresh and original case to teach.

Here is my interview, thanks to the kind authorisation of Prof. Kaplan.

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Interview with Andria Andriuzzi, Digital Manager Europe

A recent viral marketing campaign at ESCP Europe:  ‘The European Lift’, a short film coproduced with La Netscouade and Cut Cut Prod.
 

· When you joined ESCP Europe, what was your first impression of its social media strategy?

The social media strategy was quite different from the one I defined in my previous job, especially because many people here are posting in various languages, on many accounts. What I experienced before was a single social media manager posting mostly in one language, on a few corporate accounts. At ESCP Europe, there are corporate accounts, but also local campus accounts and programme accounts, yet it is important to coordinate all these activities, and make the social media presence consistent.

· What were changes you undertook with respect to ESCP Europe’s presence on social media?

The main frame was already in place. I, however, added a few things and brought the defined strategy further into reality. One was to define more precisely the targets and goals of each channel. I also worked a bit on the editorial guidelines: what topics should be discussed, where, and on which format. I also encouraged more people to post, for example on LinkedIn, where now five people can post. Basically I made an emphasis on two aspects, content and conversation. The content should be adapted to each and every account, and be interesting, for example useful or entertaining, to people who follow us. It also should be shareable, in order to drive word of mouth. The conversation part means that everybody posting on social media should try to actively interact with people: ask their opinion, answer questions or provide additional resources. The “conversational” strategy also applies by developing a proactive social media presence built on our live events (live tweets, reports on Storify, etc.). The next thing we want to improve is the analytics part.

· How would you describe your role at ESCP Europe? What attributes does a good community manager need?

As a digital manager, a large part of my role is to address, train and advise people. As many people post on ESCP Europe, it is important to still have a common voice and a similar approach of the way we run social media. As for community management, I think you first need to love interacting with people. Be humble; listen to them and their conversations. Also, a good understanding of basic marketing principles is key. The good old « satisfy consumers’ needs » is very relevant on social media. They don’t want to read any blunt advertising messages but things that are interesting to them in a language they understand and they relate to. We have to please our fans or followers with every piece of content we post, otherwise… they will unfollow and leave us! Community managers also must be results orientated: If some posts don’t work, it should be insightful for the next ones. We must make sure that what we do on social media is efficient and in-line with the global branding, communications, and marketing strategy.

· Are there any advantages and/ or disadvantages in having to coordinate several different social media across the 5 campuses and the various programmes in comparison to a completely centralised approach?

Running many accounts allows us to be more accurate to many different targets. For example we can choose to address potential candidates on one channel and to speak with the current students on another one. It also allows us to express different aspects of the brand, by emphasizing one or another across the channels. The other aspect of our strategy, i.e. many people are posting – sometimes on the same account – allows us to provide consistent flows of content and information. The strategy seems adapted, especially because we operate in several countries. For example, it would be difficult to reach and engage Italian targets with a centralized account from Paris tweeting only in English and not having personal connections in Italy. Above all, social media management is social; it is about knowing the kind of people you talk to and being able to interact with them in a more or less informal way.

· How do you know if everybody sticks to the guidelines and respects the specific objectives given to each social media application?

I look regularly on each account but of course it is impossible to control everything – and eventually not a good idea. Obviously our guidelines are not always followed thoroughly but it is mostly due to people forgetting them and not because of bad intentions. I meet the people who run the accounts on a regular basis and talk to them often. Therefore there are many occasions to repeat guidelines, explain more deeply specific tools and to share best practices. I also write an annual plan with some objectives for everyone who uses social media at the school. Sometimes you also have to be strict, e.g. blatant advertising messages are strictly forbidden! Of course we sometimes use paid advertising on social media, but that is another story.

· What, according to you, are success factors of social media usage within a business school environment?

First you need to carefully choose to whom you give social media responsibilities to. Even if social media can affect every area within an organization, I believe social media is not for everybody. Of course not saying social media people are better people, but having online and public conversations requires some specific mindset and abilities such as being humble, a good listener, and not being egocentric. To be successful, social media management should be done strategically; it should not be done because everybody does it. Social media should serve the global strategy. Also instead of planning everything in advance and trying to control everything, one needs to follow a bit of a trial-and-error approach with testing new things on different social media applications. This makes our presences more human and less formal, less a « professional sales pitch ».

· How about if you get negative comments on some social media post by students and/ or alumni? How do you deal with this?

We recently had a problem with a video on one of our programmes. After we posted the video on Facebook, we received a couple of negative comments from some alumni. Not a lot, yet very detailed ones. One of the common critics was the lack of consistency of the students’ testimonials and a general storytelling approach. In this case, we thought there was a misunderstanding of what the video was about. As the students were interviewed during their very first day at ESCP Europe, they couldn’t go into depth on what the school was and what the programme specifically stands for. As a result of the critique, we simply decided to change the name of the video on YouTube, making it clearer that it was students’ « first impressions » rather than the whole « student experience » one can have during the scope of the programme. After explaining this change and answering the negative comments on Facebook, the discussion stopped and some alumni and students acknowledged us for this change. The lesson from this is: read the comments, try to understand why they are negative, and answer by giving considerations to this feedback. But it is not always possible to change something – and often not a good idea. We must be consistent with the general strategy and can’t be driven by a few complaints, as this doesn’t necessarily represent the majority. Nevertheless we are always listening to our followers and respond to all comments and questions on our various applications in a respectful manner. We never censor any negative comments directed at the school on any of our social media. After all, our students and alumni only want the very best for their school! However, in some cases comments need to be deleted (e.g.: insults targeted to other students or faculty) or not be taken that seriously (e.g.: trolls).

· Can you talk more precisely about your activities on the four main social media applications, i.e. Facebook, Twitter, YouTube, and LinkedIn?

On Facebook we run three different kinds of accounts: 1. The ESCP Europe corporate account, where we talk with the large community, i.e. students, alumni, professors. Yet the posts should interest other targets, especially candidates. 2. Local pages, for the campuses’ current students; 3. Programmes’ pages for potential candidates. The Twitter account is for the general public. The idea is that everybody interested in business and management topics could follow, as they could find interesting or useful tweets. We also run an account for live tweets during our events. The YouTube page is more like a catalogue of videos. Some of them are professors’ expertise while others are more promotional. Then we share the videos on other social media platforms, depending on their subject and targets. LinkedIn targets executive education prospects. We also heavily used their recommendations on the product and service pages, i.e. we encouraged alumni, students and participants in the executive education trainings to recommend their respective programmes. However, when LinkedIn temporarily abandoned this function it was an indication that using third players’ on social media always poses a certain risk…

· What is the link between the school’s website and its various social media presences?

On the one hand, we share some website content on social media, e.g. news and events. One of the goals of social media is also to drive traffic to the website and improve SEO. On the other hand, we display social media content on the website, e.g. Twitter plug-ins or FlickR photo galleries. It helps to make the website more dynamic and lively.

· There are more and more rankings popping up classifying different business schools according to their social media activities. What is your opinion on them and what is the strategy?

The problem is that all these rankings mainly focus on the numbers of followers, likes, etc… Since it’s possible to buy fake fans and followers, or even to have a lot of real followers but no interaction, it seems to me these ranking don’t really reflect the efficiency of social media activities. For example, one can have 20,000 fans on Facebook, and at the same time post something reaching only 350 people, because of the Facebook EdgeRank limitation: Posts on Facebook which get few likes worsen the visibility of further Facebook updates on the liker’s newsfeeds as a result of this algorithm Facebook applies. This is a further reason why updates need to be interesting, engaging, and not plainly promotional. Also with respect to rankings, how can we compare tools, if they are used for very different goals? But in the meantime, we still have a look at these rankings… and students and candidates might do so too. However, we would never buy likes or followers – at ESCP Europe we prefer to stay honest with these things.

· What are your plans with ESCP Europe’s social media strategy and how do you see it within a five years time frame?

We still need to improve our actual framework and organization. I would like to make the different editorial lines more precise, and to foster our content strategy. I would like each of our social media accounts to look different one from the other, with even more specific content and operations, even if we are one brand, and therefore show overall consistency particularly on our European, cross-cultural positioning. On some of the presences we could be more active such as Google+ or Instagram. We need to be able to run better analytics, to make sure that what we do is really useful, and to provide us with information, which allows us to do better in the future. Also I think social media will affect other parts of the school, for example admissions. Another idea is to involve more the students, staff, and professor in the production of content and in online interactions. I think we definitely need to rethink our mobile presence. It is difficult to predict what social media will be available in five years, as everything changes very fast in this area, but if we continue to focus on the quality of the content as well as on interactions with our followers, we will be able to adapt to new tools and trends very quickly.

 

Excerpt from:

Kaplan A. M. (2014) Social Media and Viral Marketing at ESCP Europe, the World »s First Business School (est. 1819), European Case Clearing House, 514-058-1, 30 p.

Conversation de marque : « C’est un peu court, jeune homme ! »

En bref : Les marques engagent la conversation avec leurs consommateurs sur les médias sociaux, mais n’en oublient-elles pas la conversation dans la vraie vie ?

Les marques pourraient adopter ce mode de relation en de multiples occasions, notamment lors d’opérations de promotion des ventes. Dans le cas présenté ci-dessous, un « agent de conversation » aurait pu accompagner le promoteur lors de l’opération d’échantillonnage.

—————————————

Ce matin, en sortant du métro, on me tend un échantillon promotionnel, frappé du logo d’une célèbre marque de café. « Tiens, je vais l’essayer en arrivant au bureau », me dis-je.

Quelques pas plus loin, je réalise qu’il s’agit d’une dosette pour machine, et non d’un échantillon de café soluble comme je le pensais.

Je reviens vers le promoteur :

– Je vous la rends, je n’ai pas de machine.
– Ah, merci, c’est pas grave…

Et ?…

Pour paraphraser le Cyrano d’Edmond Rostand: «C’est un peu court, jeune homme !»

Soyons clair : Je ne blâme en aucun cas le promoteur, lequel a parfaitement exécuté sa mission : me remettre un échantillon.

Cependant, la marque perd une occasion d’engager la conversation avec un consommateur potentiel.

Je ne saurai jamais ô combien cette nouvelle dosette est merveilleuse.
Je ne gouterai pas la saveur de ce café savamment percolaté.
Je ne saurai jamais quelle machine permet d’utiliser ce joyau de packaging.
Combien coûte la machine ? Où peut-on l’acheter ? Autant de questions existentielles qui m’assaillent et restent sans réponse.

J’aurais tant aimé qu’un hôte ou une hôtesse m’invite dans un pop-up store garni de machines en libre-service où j’aurais utilisé sur-le-champ ma dosette orpheline.

Pouvoir discuter avec d’autres amateurs de café et de dosettes…
Qu’on me raconte une belle histoire… D’où vient le café ? Qui est l’inventeur de cette innovation majeure qu’est cette nouvelle dosette ? Où et comment est-elle fabriquée ?

Osons rêver un instant : que l’on m’offre un bon de réduction pour la machine, ou même que l’on me propose un abonnement incluant la location d’une machine perfectionnée et la livraison de ma dose mensuelle de café.

Mais tout cela n’a pas eu lieu.

En un sens, tant mieux : je n’aurais pas vraiment eu le temps pour un tel programme !

Comment définir la marque ?

Abstract : some definitions of the concept of brand, on legal, economic, marketing and semiological levels.

Le concept de marque peut être appréhendé sur plusieurs plans : juridique, économique, marketing et sémiologique.

Sur le plan juridique, la marque est définie comme « tout mot, nom, symbole ou appareil, ou combinaison de ceux-ci, utilisés (…) pour identifier et distinguer certains biens de ceux qui sont fabriqués et vendus par d’autres »[1].

Au niveau économique, elle représente « le capital principal d’une entreprise »[2].En effet, la valeur de l’entreprise se mesure souvent à la force de sa marque, car elle procure un avantage concurrentiel important. La marque représente « quelque chose pour lequel les gens paieront plus cher, même si le produit ou le service est identique à celui d’un concurrent »[3] Ce « quelque chose » correspond essentiellement au sens que la marque procure aux produits, aux valeurs symboliques qu’elle véhicule ou au « style de vie » qu’elle propose au consommateur.

Au niveau marketing, son rôle a aussi évolué, au départ simple élément du marketing-mix, pour devenir  » la principale raison d’être de l’entreprise moderne »[4]. L’entreprise, délivrée de la contrainte industrielle de la fabrication de produits – celle-ci est souvent sous-traitée – « est libre de se concentrer sur l’essentiel – créer une mythologie commerciale suffisamment forte pour insuffler un sens à ces objets bruts, du simple fait de signer de son nom »[5].

Enfin, l’approche sémiologique avance qu’une marque « est constituée par l’ensemble des discours tenus à son égard par la totalité des sujets (individuels et collectifs), impliqués dans sa génération »[6], formant ainsi une « instance sémiotique ». Lewi insiste, quant à lui, sur la nature mythique des marques qui constituent « notre mythologie contemporaine, polymorphe et polythéiste« [7].

Ce statut de mythe leur confère un aspect culturel, au sens de valeurs communément partagées par une société donnée, mais permet aussi de mettre en évidence les liens qu’elle tisse avec le domaine de l’expression artistique.


[1] Définition du droit américain in Klein, Naomi (2001) No Logo, Paris, Actes Sud [2] Kapferer, Jean-Noël (2001) Les marques, capital de l’entreprise, Paris, Editions d’Organisation [3] Colvin, Geoffroy, Pricing power ain’t what it used to be »,  Fortune , New-York,15 septembre 2003 (traduction libre) [4]-[5] Klein, Naomi (2001) ibid [6] Semprini, Andrea (1992) Le marketing de la marque, Paris, Editions Liaisons [7] Lewi, Georges (2003) Les Marques, mythologies du quotidien, Paris, Pearson Education France

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Content branding : un concept utile pour les industries créatives (?)

Abstract : The aim of this article is to start a discussion on the existence of – and/or the potential opportunity to develop –  branding methods tailored to the creative industries contents, what I call here Content Branding.

 Dans un précédent article, j’ai observé que :

       les consommateurs peuvent être sensibles aux marques de produits culturels, lorsqu’ils se trouvent dans une situation où les marques remplissent des fonctions qui leur sont utiles, comme la garantie ou la spécificité.

 

       dans le champ culturel, d’autres éléments, définis comme des « instances sémiotiques », peuvent jouer le rôle de marque, notamment le créateur (ex.: Woody Allen) et l’œuvre elle-même (ex.:  Star Wars)

Si les créateurs et leurs œuvres peuvent être comparables à des marques dans leur rapport au marché, je souhaite avec cet article poser les bases d’une réflexion visant à s’interroger sur l’éventuelle existence – ou l’opportunité – d’un content branding, c’est-à-dire un branding adapté aux contenus des industries créatives, de la même manière que les chercheurs et praticiens ont mis en évidences les spécificités du marketing des produits culturels.

Cette réflexion peut être mise en perspective avec l’émergence du branded content, ou contenu de marque. Ce type d’opérations voit se resserrer les liens entres les créateurs et les marques (voir un compte-rendu du MIDEM 2009). Les artistes et leur management doivent avoir une réflexion sur leur propre marque afin de valider l’adéquation de telles associations. L’association avec une marque tierce n’est pas neutre et peut avoir des répercussions à long terme si cela n’est pas pensé et intégré à une stratégie globale.

De fait, certains des concepts et outils du branding sont déjà mis en œuvre et semblent correspondre à une évolution des industries culturelles, qui, bousculées dans leurs activités traditionnelles, se réorganisent et cherchent de nouveaux débouchés.

Historiquement, les industries culturelles sont structurées autour d’un savoir-faire spécifique, prenant en charge un seul aspect de la vie professionnelle des créateurs. Dans le domaine de la musique par exemple, les producteurs phonographiques, spécialistes de la fixation, de la reproduction et de la commercialisation d’enregistrements, ont longtemps côtoyé – souvent dans une certaine indifférence – d’autres producteurs, spécialisés eux dans la conception et la diffusion de spectacles.

Confrontée à la chute vertigineuse des ventes de disques et à l’apparition de nouveaux modes de diffusion dématérialisée, l’industrie musicale voit son paysage complètement bouleversé :

       Les majors du disque optent pour les contrats « 360 », prenant en charge l’intégralité de la carrière de leurs artistes, de la scène au disque en passant pas les contrats publicitaires et les produits dérivés.

 

       Le même phénomène peut être observé dans les industries du spectacle vivant. Madonna et Jay-Z ont ainsi signé chacun un contrat global avec le géant nord-américain de l’organisation de concerts Live Nation, « signe d’une porosité croissante entre tous les métiers de la musique » (AFP).


        A l’inverse, certains artistes de premier plan, comme Prince ou Radiohead, prennent leur affaires en main et diffusent directement leurs œuvres aux consommateurs, notamment via Internet ou par l’intermédiaire de marques, n’utilisant les services d’entreprises tierces que très ponctuellement et souvent uniquement pour des prestations techniques ou logistiques.

Ces trois démarches dépeignent une même réalité : les industries culturelles se réorganisent autour de l’artiste et ne se définissent plus par rapport à une technique industrielle particulière. C’est aussi sans doute pour cela que le terme d’industries créatives est aujourd’hui privilégié, désignant ainsi les entreprises qui fondent leur valeur ajoutée sur la valorisation de la créativité – notamment celle des artistes.

On peut considérer que, d’une certaine manière, les industries créatives ne vendent plus des produits ou des services (des disques, des livres, des  spectacles, des jeux, etc…), mais gèrent des marques : une image, une expérience, différentes gammes de produits brandés au nom de l’artiste. De plus, les artistes eux-mêmes ont aujourd’hui tendance – ou intérêt – à développer leur marque. Dans un article, Andrew Keen écrit ainsi : « In an age in which the old cultural gatekeepers are being swept away, the most pressing challenge of creative artists is to build their own brands ».

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How to build a brand out of your content ?

Semiotic_wheel

 

Previously, I have presented the semiotic instances that operate within the DVD market on a sketch entitled « The semiotic wheel of video”. What I propose here is an extended version that might be relevant to the whole creative industries.

 Analyze creative contents…

 Why this sketch and what is it about? For the first of all, I have quite a propensity to establish working hypotheses as well as to synthesize my results or thoughts in a little drawing! For the second of all, the semiotic wheel shows to be a good framework for creative contents analysis, as I used it for consultancy missions focused on rights catalogues management.

 The semiotic wheel is designed to review the various semiotic instances available in a rights catalogue or in a creative project. I did not try it in every field, but it seems it can be used within various business areas: publishing, music, film, tv production, exhibitions, shows, etc… Items should be then adapted to the concerned industry in order to be more operational (i.e , for a movies catalogue : Film / Director / Genre / Origin / Studio / Cast).

 … then brand the content…

 Depending on the available semiotic instances, the organization’s objectives and the buying situations of consumers, this analysis can then lead to consider the branding of one or more of these instances. Indeed, that is the enhancement of the instance on the packaging, and its place in communication as a whole, that lead the consumer to actually recognize its role as a brand. This can be connected to the differentiation made between the brand, as an academic object, and a brand, “describable, observable, analyzable”(Semprini, Andrea (1992) Le marketing de la marque, Paris, Editions Liaisons). Once materialized and treated as so, the brand might assume some functions for the consumer, such as guaranty or personalization, and might help to act towards other targets (media, institutions,).

 ….and sell it !

 The semiotic wheel can be used to analyze a single product, upstream or downstream the marketing process, as well as a whole catalogue. It can help also to create promotions or trade marketing operations, by determining relevant products categories in terms of editorial opportunities and attractiveness of the available instances.

 

I would be pleased to read your comments on this tool…

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La sensibilité aux marques de produits culturels

Je me suis intéressé à la sensibilité aux marques sur le marché des produits culturels, et plus particulièrement sur celui des DVD de cinéma.

Etant rappelé qu’un consommateur est sensible aux marques s’il prend en compte la marque lors de l’achat d’un produit (KAPFERER et LAURENT, 1983), j’ai réalisé une étude qui a permis de mettre en évidence les points suivants :

La sensibilité aux marques de produits culturels existe…

–          Une analyse de contenu a permis d’établir que sur le marché du DVD, comme sur n’importe quel autre marché, certains consommateurs sont sensibles aux marques, lorsqu’ils se trouvent dans une situation où les marques remplissent des fonctions qui leur sont utiles.

–          Ces fonctions sont principalement la garantie, la spécificité, la praticité et la personnalisation.

… mais elle est difficile à mesurer…

–          Pour utiliser l’échelle de mesure directe de la sensibilité aux marques, il est nécessaire que les  consommateurs reconnaissent l’existence des marques, ce qui ne va pas de soi sur ce type de marché. En effet, certains consommateurs peuvent prêter attention aux marques lors d’un achat d’un DVD, tout en niant ou minimisant leur existence et/ou leur rôle.

–          J’ai également évoqué les problèmes méthodologiques rencontrés avec l’utilisation de la mesure indirecte, qui s’appuie sur la description de la situation d’achat. J’ai proposé d’intégrer des dimensions expérientielles et relationnelles à l’évaluation de la situation d’achat d’un produit culturel.

… car d’autres instances sémiotiques peuvent jouer le rôle de la marque

–          En raison de la diversité des instances sémiotiques – ou « machines à produire des significations » (SEMPRINI, 1992) – dans le champ culturel, les marques ne sont pas les seules à remplir des fonctions utiles pour le consommateur.

–          Sur le marché du DVD, les autres instances sémiotiques qui génèrent du sens et participent à la segmentation de l’offre sont principalement le film, pour sa forte valeur expérientielle, le genre et l’acteur, de part leur nature mythique (MORIN, 1972) et le réalisateur pour sa fonction de garantie.

Cette étude a ouvert des perspectives sur les opportunités offertes par la pratique du branding dans le champ culturel, notamment en donnant lieu au développement d’outils d’aide à la gestion de catalogues éditoriaux.

Bibliographie (extrait) :

Kapferer, Jean-Noël et Laurent, Gilles (1983) La sensibilité aux marques, Paris, Fondation Jours de France pour la Recherche en Publicité (réédité en 1992 par les Editions d’organisation, Paris)

Morin, Edgard (1972) Les stars, Paris, Editions du Seuil

Semprini, Andrea (1992) Le marketing de la marque, Paris, Editions Liaisons.

Vous avez abordé ces problématiques ? Le sujet vous intéresse ? J’aurai plaisir à lire vos commentaires.

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